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.J’errais dans le désert en ce temps-là…LE DÉSERT– Comment voulez-vous que Bruce se concentre sur son orthographe quand il se fait tellement de souci pour son papa ? m’exclamai-je tout en feuilletant les dessins de mes élèves de la petite classe dans l’espoir d’en trouver un qui sortirait de la banalité.– Il se fait du souci pour son papa ? (Mme Kanz, qui était en train de corriger ses dictées, leva la tête).Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?– Il est pratiquement malade de peur.Il craint que son père ne revienne pas, cette fois.(Je retournai le dessin que j’examinais pour changer de perspective !) Je croyais que vous saviez tout sur tout le monde, ajoutai-je, histoire de la taquiner.Vous m’avez tellement bien mise au courant depuis trois semaines que j’ai l’impression d’être née ici.Je soupirai et remis le dessin à l’endroit.C’était toujours un arbre.Avec six pommes.– En tout cas, j’ignorais totalement que Stell et Mark avaient des problèmes.Mme Kanz avait dit cela sur un ton peiné.– Ils ont eu une dispute épouvantable cette nuit-là, avant qu’il parte.Bruce en était tout retourné.– Comment le savez-vous ? (Le regard de Mme Kanz s’était brusquement fait inquisiteur).Vous n’avez pas encore fait la connaissance de Stella et, en dehors de oui et de non, il n’a pas été possible de tirer un mot de Bruce depuis le début de la semaine.Je retins mon souffle.« Oh non ! fis-je dans mon for intérieur.Pas déjà ! Pas déjà ! »– C’est mon petit doigt qui ma l’a dit, répondis-je sur un ton badin en trifouillant dans mes papiers pour cacher le léger tremblement qui agitait mes mains.– Allons donc ! Vous tenez sans doute cela de Marie, bien qu’elle soit…– Peut-être bien que oui, peut-être bien que non.(Je rassemblai précipitamment mes œuvres d’art).Oh la la ! C’est presque la fin de la récréation.Il faut que je descende avant la ruée du troupeau.Les vieilles marches usées rendaient un son creux sous mes pieds mais qui était loin d’être aussi creux que le vide qui me poignait l’estomac.Seulement trois semaines et je m’étais déjà presque trahie ! Pourquoi ne pouvais-je donc pas me rappeler qu’il fallait faire attention ? Bruce ne faisait même pas partie de mes élèves.Je ne pouvais rien connaître de lui.C’était simplement qu’il était resté si longtemps silencieux, lundi dernier, plongé dans son livre de littérature… et je n’avais sondé qu’un tout petit peu…Quand j’arrivai au bas de l’escalier, je fus engloutie jusqu’à la taille par le torrent des enfants qui rentraient de récréation et ce fut avec soulagement que je me laissai emporter par le courant jusqu’à la salle.Adossée à la fenêtre, je laissai mes yeux errer sur ma classe.Mes élèves étaient bien tranquilles.Enfin, je veux dire par là qu’ils ne s’agitaient pas dans tous les sens mais chacun bourdonnait de façon audible ou inaudible.L’infatigable dynamo de la jeunesse tournait à plein et la salle vibrait des pensées décousues qui sont le propre des enfants heureux.Tous bourdonnaient intérieurement sauf Lucine.Elle vrombissait un bref instant en réponse à quelque stimulus et cela s’arrêtait pour recommencer et s’arrêter à nouveau.Il y avait un court-circuit quelque part, ses yeux vides et inexpressifs en étaient la preuve.Je soupirai.Tournant le dos à mes élèves, je m’abîmai dans la contemplation de la Mesa Noire qui surplombait l’école en essayant de m’arracher à mes appréhensions, d’oublier pourquoi j’avais pris la fuite – j’avais fait près de huit cents kilomètres –, d’oublier les choses qui ébranlaient ma raison, ces choses capables de rompre les amarres de la réalité et de me faire dériver… Dériver ? Quelle merveille ! Rendez-moi la liberté ! la liberté ! Je glissai mes index à travers les mailles du vieux grillage qui protégeait le bas de la fenêtre et tirai très fort.Les clous rouillés grincèrent et la grille céda.L’odeur aigre et sèche de la poussière me fit éternuer.Je me rassis derrière le bureau et me mis à la recherche d’un Kleenex.J’éternuai encore.Je m’efforçai de feindre d’ignorer – mais je le connaissais trop bien – le tiraillement qui m’agrippait.En manquant de me trahir si peu que ce fût, j’avais fait craquer ma cuirasse.Tout ce que j’avais si résolument fourré au fond des oubliettes faisait maintenant des pieds et des mains pour s’en échapper…Je passai si abruptement à la leçon de calcul que Lucine demeura en équilibre instable au bord des larmes jusqu’au moment où la machine se remit en marche et où elle se rendit vaguement compte de ce qui se passait.– Fais bien attention, Petie.(Je tentai une fois de plus de briser le tenace blocage qui interdisait à Petie de lire les chiffres).Ceci est l’image du 2 mais le nom du 2…Quand les cars de ramassage scolaire furent repartis, je dégringolai la colline à pic au-dessus de laquelle était perchée la vieille école lugubre et suivis la voie de chemin de fer pour rentrer à l’hôtel où j’avais pris pension.Les yeux fixés sur mes pieds j’avais une claire conscience des rails qui s’étiraient à ma gauche et à ma droite tandis que, comptant mes pas, j’avançais de traverse en traverse entre les vieilles bâtisses qui s’agglutinaient d’un côté – c’était le village – et un paysage vide de l’autre.Si j’arrivais à cristalliser mes pensées sur quelque chose, je pourrais tenir à l’écart les fantômes qui me hantaient.Je fis halte à l’hôtel le temps de déposer mes affaires et repartis.Suivant toujours la ligne à voie unique, je descendis dans la vallée, sautai par-dessus le vieux chevalet branlant dont personne ne se servait plus et, tournant le dos au détritus au milieu desquels il se morfondait, je me lançai à l’assaut de la colline.L’ascension et la varappe occasionnelle qui faisaient travailler mes muscles, accéléraient les battements de mon cœur et me faisaient souffler comme une forge au point d’en avoir mal à la gorge, me remplissaient d’une joie sauvage.Le souffle court, je m’accrochai aux branches d’un manzanita pour me hisser au faîte de l’à-pic et m’assis, les genoux serrés entre mes bras, à même le rocher friable au-dessus duquel s’élevait l’immense cheminée de briques [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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