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.Mais notre époque, se voulant prude, laissait éclater à chaque instant une rare hypocrisie.Les personnes à cheveux blancs qui, à la fin des marchés, se ruaient en grappes sur les poubelles pour y glaner un trognon de chou, de la charcuterie avariée ou trois pommes de terre à seule fin de se remplir l’estomac, cela n’indignait plus.Un mot usé provoquait la foudre.Associations vertueuses et gazettes firent une belle chorale : « L'insulte machiste de M.de Vedjian », « L'injure se transforme en affaire d’Etat », « Quand M.de Vedjian dérape »… Le général baron dut s’excuser en public et Notre Souverain lui-même, qui possédait tout un répertoire de mots blessants et orduriers qu’il réservait à ses plus proches, y alla du sermon : « Ce n’est pas une façon de parler aux femmes ni à qui que ce soit.»Cette affaire d’Etat dura au moins deux jours.Chapitre IVWOLFEBORO OU LA VIE DANS LES BOIS.— HOT-DOG, ANGINE ET FANTAISIE.— LE CULTE DU MOI.— LA MULTIPLICATION DES LOIS ET DES PETITS FOURS.— LES TOURMENTS DE LA BARONNE D’ATI.— OTAGES OU CAUTIONS ? — INTENSE MÉCHANCETÉ DES ÉTRANGERS.— RÉVEIL DE LA RACAILLE.EN SES DÉBUTS, LE MOIS D’AOÛT laissa les gazetiers désemparés puisque Sa Majesté avait décidé de sacrifier à la tradition bien sotte et bien inutile des vacances, cette paresse instituée qu’elle déplorait.Ainsi, pendant plus de deux semaines, les reporters sagaces n’allaient plus décortiquer ses mots et ses gestes en moulinets, alors, que pouvait-on raconter d’autre qui intéresserait, tellement le public était déjà accoutumé, voire accroché, aux exploits quotidiens de Notre Héroïque Leader, et, accessoirement, de la famille impériale et de la Cour? Quelle information saurait croustiller autant? Bien sûr, on découvrit l’existence de quelques ministres qu’on avait crus décédés, endormis ou naturalisés, mais ce ne fut que pour démêler des broutilles; la marquise de Saint-Jean-de-Luz, ministre supposée à l’Intérieur, écourta son congé balnéaire pour intervenir avec un surcroît de sérieux sur les accidents de fêtes foraines ; on vit le duc de Valenciennes déplorer la chute d’un autocar de pèlerins polonais qui revenaient de Lourdes en chantant « Plus près de toi mon Dieu », et, ô ironie de la divinité, se fracassa dans un ravin des Alpes, aussi le duc dut-il étudier tous les virages dangereux de France, simulant une vibrante passion pour les limitations de vitesse des camions, les portiques et les hiéroglyphes des panneaux indicateurs, ce qui le sortait un peu du réchauffement de la planète dont il avait la surveillance officielle en remplacement de M.le duc de Bordeaux, remercié et assigné à résidence dans sa Gironde.Les événements de l’été semblaient bien pauvrets; pour nous assombrir plus, le soleil se refusait aux vacanciers emmitouflés sur des plages en plein vent ou pressés sous des parapluies.Par chance, la famille impériale ne se rendit point en villégiature dans son castel de Brégançon, où nos gazettes l’auraient surprise en haut du donjon, ce qui aurait manqué d’imprévu et de grandeur.Notre Fougueux Leader, toujours avide de symboles et d’aventure, emmena les siens et des amies de l’Impératrice au-delà de l’océan, dans une grosse bâtisse de l’Est américain, avec une plage privée au bord du lac Winnipesaukee dont les eaux avaient la réputation d’être glaciales en toutes saisons.Sa Majesté expliqua ce choix : « Je suis venu chercher l’Amérique profonde, les forêts, les lacs… » Mais pas les gens.La famille impériale, et sa suite, ne résidait nullement chez les grossiers cow-boys rougeauds qui, au saloon, visaient le crachoir de cuivre d’un glaviot très sûr en sirotant à la bouteille des alcools au goût de punaise.Oh non ! Des proches très fortunés leur avaient offert un séjour à Wolfeboro, une station vieillotte où se reposaient les célébrités blanches, conservatrices et riches; il n’y avait là aucun Noir, aucun Indien Sioux, aucune activité, pas même des hamburgers, seulement la course à pied dans les sous-bois, la pêche à la ligne, le canot à moteur et la télévision allumée sur Fox News.Sa Majesté tournait en rond dans les deux mille mètres carrés de cette résidence ventrue aux toits verts.Par indiscrétion, nous vîmes des images qui détaillaient les lieux, une salle à manger en Louis XIII reconstitué et corrigé façon Paramount, un salon très très haut de plafond où les fauteuils paraissaient des miniatures, tout un lot de salles de bains.Sa Majesté se sentait recluse dans cet environnement qui, cependant, sentait les dollars; elle portait en permanence son téléphone à l’oreille pour ne pas épuiser en farniente son inépuisable énergie nerveuse.Même séparé de nous par les flots de l’Atlantique, Notre Souverain demeura présent et les gazettes ne l’oublièrent pas un instant.Le voici debout sur un canot, à l’abordage d’une chaloupe affrétée par des agences de presse locales, d’où deux photographes mitraillaient son repos et troublaient un calme apparent.Notre Leader Exaspéré voulut jeter dans le lac leurs appareils et les insulta très fort mais dans sa langue à lui, et ces étrangers ne le comprirent qu’à sa gesticulation éloquente.« Foutez-moi la paix ! criait-il, rouge de fureur.Understand ce que j’dis ? » Le voici un autre jour, plus serein, qui rame en canoë avec le jeune Prince Louis.Des retoucheurs habiles gommèrent les bourrelets qui débordaient du maillot de bain, mais l’affaire se sut à Paris et on en causa beaucoup.Que cherchait Sa Majesté dans un semblable trou ? Comment s’occuper avec efficacité quand on s’ennuie d’un repos choisi mais un brin forcé par l’Impératrice, même entouré d’amis cossus et déphasés qui mettaient la main à la poche à votre place? Le voyageur ordinaire, d’un naturel curieux, en aurait profité pour visiter les environs en se cultivant, mais Notre Véloce Leader, si vous lui parliez de culture, ne pensait qu’à des champs de maïs ou de haricots [ Pobierz całość w formacie PDF ]
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